L’impossible retour en arrière des entreprises post-covid

6 juin 2021

Il est inutile de souligner à quelle point la crise sanitaire que nous avons vécue ces dernières années, et que nous vivons encore actuellement dans une moindre mesure, a bouleversé nos vies, nos relations sociales et nos habitudes de travail. Entre la généralisation du télétravail et la crise de sens qui touche de nombreux salariés, un retour au monde d’avant semble désormais irréalisable.

Le 17 mars 2020, la majorité des salariés était priée de rester chez eux. Confinement oblige, la présence sur site était réduite à son strict minimum et les entreprises déployaient en urgence des dispositifs de travail à distance pour poursuivre une activité déjà mise à mal par la chute brutale de l’économie mondiale. Après un temps, deux enseignements sont venus bouleversés nos acquis sur le monde du travail.

Premièrement, la productivité pouvait être maintenue, voire augmentée, avec une large partie des salariés en télétravail. Et deuxièmement, la fracture entre les travailleurs « essentiels » et les autres a démontré que les emplois les mieux valorisés et les mieux rémunérés n’étaient pas ceux les plus nécessaires à pourvoir aux besoins de première nécessité.

En France, seuls 3% des travailleurs étaient concernés par le télétravail avant la crise, principalement dans certains secteurs très ciblés, comme celui de la tech. Ce niveau est monté à 25% lors du premier confinement, et à continuer à se maintenir à des niveaux similaires depuis.

Alors que de nombreux salariés sont demandeurs de télétravail, au moins partiel, des entreprises hésitent encore à franchir le pas, de peur que cela ne pénalise leur productivité. Mais qu’en est-il réellement ? Eléments de réponse avec deux études cherchant à quantifier les effets du télétravail sur la productivité.

La première étude est chinoise, publiée dans « The Quarterly Journal of Economics », en février 2015, et porte sur le passage en télétravail d’une entreprise préparée à ce mode de fonctionnement et équipée de tous les outils nécessaires à sa mise en place. Il a été constaté un impact très positif sur les employés qui se sont déclarés plus heureux et moins susceptibles de postuler dans d’autres entreprises. La productivité quant à elle, a été dopée de 20%.

La seconde étude a été menée pendant le premier confinement, au Japon¹, et met en avant la chute brutale de la productivité d’une entreprise ayant basculé en télétravail sans préparation aucune, ni de la part de l’entreprise ni de celle des salariés.

L’enseignement à tirer de ces 2 études est que la mise en place du télétravail comme méthode de travail standard est non seulement possible, mais également recommandée en termes d’attractivité et de productivité. En revanche, cette implémentation nécessite une mise en place précautionneuse et concertée, au risque de subir l’effet inverse à celui recherché.

En parallèle, c’est le rapport au travail lui-même qui s’est trouvé bouleversé. Le sens donné à son travail est devenu un critère essentiel pour de nombreux salariés, le cadre propice à la remise en question a vu exploser le nombre de demandes de rupture conventionnelle au sein des entreprises. Ceux chez qui la crise a agit comme un révélateur positif du sens de leur travail sont également revenus avec des revendications, demandant notamment un management moins interventionniste ou un travail plus autonome et plus flexible.

Ces bouleversements sont porteurs d’enjeux pour l’entreprise, que ce soit pour conserver ses meilleurs éléments ou pour rester attractive dans un marché de l’emploi en pleine mutation. La revalorisation des rôles de chacun et la création ou le renforcement du collectif deviennent des enjeux fondamentaux.

De plus, il est pertinent d’adapter sa culture managériale aux attentes des nouveaux arrivants et de repenser son style de management pour accéder aux attentes des managers, nouveaux ou anciens, qui portent l’entreprise.

Quoi qu’il en soit, les attentes et les objectifs des travailleurs ont considérablement changé au cours de ces deux dernières années, et l’adaptation des entreprises à ces attentes est un enjeu de compétitivité essentiel. Les entreprises qui s’accrochent coûte que coûte à leur ancien modèle de travail sous prétexte que ce dernier a toujours bien fonctionné risque de déchanter lorsque leurs meilleurs éléments s’en iront en quête d’employeurs plus en adéquation avec leur nouvelle vision du travail.

Aujourd’hui plus que jamais, c’est l’adaptabilité qui sera récompensée.


¹ https://voxeu.org/article/covid-19-teleworking-and-productivity